Interview de Marie-Pascale Dubé

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Qui êtes-vous ?

Je suis une comédienne et chanteuse franco-québécoise. Née à Montréal au Québec je vis en France depuis 2009 avec la double nationalité.

D’où vient votre curiosité pour les arts de façon générale ?

Baignée dans une famille d’artistes, j’ai eu la chance de voir et d’entendre des choses étranges depuis toujours, “étranges” dans le sens d’hors du commun, où la bizarrerie était encouragée. J’ai vite appris à observer, écouter, à prendre le temps de cet émerveillement, ne serait-ce que par le son d’une porte qui grince ou la beauté de la lumière qui traverse une feuille d’arbre. Cet émerveillement est selon moi la source de tout élan artistique.

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D’où vient votre lien étroit avec le chant inuit du « Katajjaq »

Quand j’étais petite, je me suis mise à émettre un son rauque, “trop” grave pour être le son d’une petite fille. Cela m’a amusé et je me suis mise à répéter ce son qui me faisait du bien à l’intérieur, et qui me faisait rire tout simplement ! Quand je suis tombée sur un disque de chants de gorge inuit, j’ai reconnu ce son, cette voix. Je n’ai plus lâché ce disque, fascinée et amusée par ce que j’entendais et que je tentais de reproduire. Encore quelques années plus tard j’ai décidé de suivre ce son : d’aller à la rencontre des Inuit.

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Quelle est votre expérience la plus marquante avec le peuple inuit ?

Mon expérience la plus marquante a été mon voyage à Igloulik à l’hiver 2016. J’ai rencontré Charlotte Qamaniq en 2014, une Inuk qui vit à Ottawa, et deux ans plus tard, nous sommes allées à Igloulik, dans le Nunavut, le territoire inuit du Canada où elle a grandi. J’ai appris un chant, mais beaucoup plus. J’ai appris un mode de vie, de communication, de rapport au temps, au présent et à la présence, à la voix, aux éléments, aux émotions… Je pourrais énumérer longtemps tous les changements que cette pratique a opéré en moi, mais ce sont plus que des changements, c’est un grand bouleversement. Des portes qui ont commencé à s’ouvrir et que je ne peux plus refermer. Ces portes continuent de s’ouvrir sans cesse sur autre chose pour me surprendre toujours plus. J’ai aussi appris l’histoire de mon pays natal, le Canada, du point de vue des Inuit que j’ai rencontrés. C’est l’expérience la plus belle et la plus douloureuse à la fois, car cette grande histoire révèle aussi des horreurs.

 

Si cela vous intéresse, France Culture a réalisé un documentaire sur mon parcours sonore guidé par le katajjaq : 

Au-dessus des têtes

 

J’ai aussi réalisé un documentaire long-métrage qui raconte cette histoire : bande-annonce de Rouge Gorge

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Comment s’est déroulé votre rencontre avec Cécile Vallade ?

C’est son éditrice, Delphine Rieu, qui m’a d’abord contacté puis nous nous sommes vues en visioconférence. J’ai rencontré Cécile Vallade surtout au départ par ses dessins, que j’ai trouvé magnifiques et qui m’ont inspiré le chant composé pour son livre La Femme Squelette. Ensuite la rencontre s’est faite pour de vrai lors du festival d’Angoulême en janvier 2024. Ce fut une belle rencontre, sincère, généreuse et vite intime, comme si nous nous connaissions déjà. J’ai une confiance évidente en elle et en son travail, je pourrais collaborer à nouveau sans hésiter.

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Quels contes inuits souhaiteriez-vous voir adaptés ?

J’ai surtout envie de lire plus de leur littérature encore très peu éditée. Ce que j’ai lu des Inuit est écrit d’une façon singulière qui révèle ce qu’ils sont, ce qu’ils portent. Je souhaite que les Inuit aient plus d’exemples positifs, de repères, de références pour oser écrire avec leur façon de voir le monde. Quand je lis la littérature inuit c’est comme si je me retrouvais parfois dans un rêve où les mondes s’entrecroisent, le ciel se mélange à la terre, les êtres humains sont aussi des animaux etc., le tout en gardant une forme épurée. Peu de mots pour ouvrir un monde fou dont les frontières ne sont pas aux mêmes endroits que dans notre monde occidental. Peut-être que c’est ce que nous pouvons retrouver dans l’art pictural inuit : le trait juste qui ouvre sur l’infini et l’extraordinaire.

Est-ce que vous pensez que le peuple inuit est encore trop méconnu ?

Oui. Nous idéalisons ce peuple ou au contraire nous avons des stéréotypes qui circulent encore beaucoup autour des peuples inuit. 

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A qui conseillez-vous La Femme Squelette ?

Tout le monde ! Sans mot, n’importe qui de n’importe quel pays peut plonger dedans. Comme pour le katajjaq où traditionnellement il n’y avait pas de mot, que des sons inspirés des éléments, des émotions, de tout ce qui nous entoure. Ce quelque chose de singulier et de si universel à la fois. C’est banal à dire mais à vivre c’est immense, et ça touche au plus profond de soi.

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